Bonjour Monsieur le ministre, merci de nous avoir accordé cette interview. Le Niger est le pays où le taux de croissance démographique est le plus élevé au monde. Les femmes enfantent trois fois plus qu’au Japon par exemple. Qu’est ce qui explique ce fort taux de croissance ?
Oui, c’est juste d’affirmer que le Niger enregistre le taux de croissance démographique le plus élevé au monde puisque le taux d’intercensitaire moyen était de 3,3% par an entre 1998 et 2001 et entre 2001 et 2012, ce taux avait atteint le record mondial de 3,9% par an.
Ce taux correspond à un doublement de la population tous les 18 ans.
Plus concrètement en termes d’effectifs, la population du Niger est passée de 3,2 millions d’habitants en 1960 à plus de 11 millions d’habitants selon le Recensement général de la population et de l’habitat (RGP/H) de 2001 ; 17,1 millions d’habitants selon le RGP/H de 2012 et un peu plus de 24,1millions d’habitants en 2021 selon les projections démographiques de l’Institut national de la Statistique (INS).
Aucun pays au monde de nos jours n’enregistre de telles statistiques démographiques en dehors du Niger. Cette situation démographique pèse sur les performances économiques et la qualité de vie de notre population (santé, éducation, emploi des jeunes).
Ce taux élevé s’explique par le désir élevé d’enfants chez les femmes comme chez les hommes. Au Niger, les femmes âgées de 15-45 ans déclarent un nombre idéal d’enfants de 9,5 ; les hommes déclarent 11,5. Le nombre élevé d’enfants est plutôt bien perçu comme une valeur, une richesse et la femme trouve sa place dans notre société par son nombre d’enfants.
D’autres causes et non des moindres expliquent la forte croissance démographique au Niger. Ce sont la faible utilisation des méthodes modernes de contraception (12%) ; le mariage d’enfants 76,3% de femmes de 25 à 45 ans déclarent avoir été mariées avant l’âge de 15 ans, le faible taux de scolarisation de la jeune fille, la pauvreté, l’analphabétisme, etc.
Ailleurs, l’on pourrait unilatéralement considérer ce fort taux de naissance comme une violation des droit des femmes. Que pensez-vous de ce point de vue ?
Je ne sais pas ce que vous mettez dans « Ailleurs » en disant que ce fort taux de naissance (7,6 enfants par femme) pourrait être considéré comme une violation des droits des femmes.
Sachez que depuis la Conférence internationale sur la Population et le développement (CIPD) tenue au Caire en Égypte en 1994, le Niger à l’instar des pays de la sous région avait adopté et mis en œuvre trois politiques nationales de population. Successivement les périodes de 1992 à 2005 ; de 2007 à 2017 et enfin la politique nationale de population de 2019 en cours. La philosophie , le bien-fondé ou le credo de ces trois politiques de population tournent autour du volontarisme et la parenté responsable et de la réduction des inégalités liées au genre. Comme vous le constatez, ces différentes politiques mises en œuvre au Niger place la femme plutôt au centre de leurs préoccupations au nom de l’équité. L’article 4 de la loi sur la santé de reproduction dispose que tout couple légalement marié a le droit de procréer et est libre de le faire aussi souvent et aussi peu souvent qu’ils le désirent, on ne peut donc parler de violation de leurs droits.
Alors que d’aucuns considèrent cette forte croissance de la population comme une grande menace pour la stabilité du pays, d’autres pensent que le Niger pourrait tirer profit de sa force démographique. Quel est votre opinion sur le sujet monsieur le ministre ?
Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’État, Mohamed Bazoum a fait de la question de la maitrise de la croissance démographique, une de ses priorités en vue de tendre vers le dividende démographique, condition sine qua none pour le développement socio-économique des Nigériens.
C’est en définitive, la traduction de cette volonté politique hautement proclamée qui s’est manifestée à travers la création d’un ministère de la Santé publique, de la Population et des Affaire sociales dans le gouvernement de S.E Ouhoumoudou Mahamadou, Premier ministre, Chef du gouvernement.
Bien sûr que la croissance démographique si elle n’est pas maitrisée engendre des conséquences sur la stabilité, la sécurité, l’alimentation, l’environnement, le déplacement des personnes bref sur toutes formes de crises liées à la pression sur les ressources naturelles.
Oui on peut faire de notre population qui est très jeune, un potentiel de développement. En effet, il s’agit de transformer notre actif démographique en dividende économique.
Cette transformation progressive doit s’opérer dans les deux sens : la qualité et la composition. La qualité pour relever le capital humain, c’est à dire avoir une population de niveau d’éducation très élevé et à bonne santé physique et à très grande productivité. Puis la composition , c’est à dire, avoir une population constituée de plus de personnes actives que des personnes à charge (dépendantes), ces deux phénomènes combinés donnent aux performances économiques une accélération rapide communément appelée dividende démographique.
La clé de cette transformation est l’éducation dont son Excellence Monsieur Mohamed Bazoum Président de la République, Chef de l’État, a fait son cheval de bataille dans son programme de renaissance acte 3.
Éducation pour relever le capital humain !
Éducation pour réduire les inégalités !
Éducation pour l’autonomisation des femmes en vue de leur pleine participation au développement !
Interview réalisée par Guevanis DOH (agendaniamey.com) et Ryoji Fukazawa (The Yomiuri Shinbun)