« Nous devons lutter contre la polygamie irresponsable, » PR Bazoum
Dans un direct hier sur sa page officielle Facebook, le Président Mohamed Bazoum a accordé une longue interview à la presse africaine après une année d’exercice du pouvoir. Si cette méthode rompt avec la mauvaise habitude des autorités africaines d’accorder les grands moments de leurs parcours à la presse occidentale, les enjeux au menu des discussions ont été aussi très intéressants. Comme la question de la démographie qui suscite toujours débat au sein de l’opinion. Suivez ici l’intégralité de la réponse du Président Nigérien sur le sujet.
Voici l’intégralité de la réponse du Président Nigérien Mohamed Bazoum sur la démographie galopante dans son pays.
J’ai expliqué aux Nigériens que pour une même richesse, pour une même Pib, nous avons un revenu national par tête d’habitants équivalent avec le Bénin et le Sénégal à l’époque. Mais notre revenu national par tête d’habitants est de moitié inférieur à celui des Béninois et de 0,5 inférieur à celui des Sénégalais.
Quelque soient les efforts que nous allons faire dans le domaine de l’éducation, de la délivrance des services de base, l’accroissement de notre population fait en sorte que si le niveau de pauvreté baisse, le nombre de pauvres lui s’accroit de fait de cette démographie. Et nous devons par conséquent, nous soucier de cette question parce qu’elle a un grand impact sur nos services sociaux notamment sur celle de l’éducation. Il est difficile de soutenir les efforts dans cette croissance époustouflante de la population. Faire des écoles chaque année ?
J’ai rencontré quelqu’un qui était Consul honoraire du Niger au Danemark. Il dit qu’il était arrivé en 1973, le Niger avait 5 millions d’habitants tout comme le Danemark. Aujourd’hui, le Danemark a 6 millions d’habitants et le Niger a 4 fois plus. Vous voyez, les efforts que nous ferons dans les services de base par rapport au Danemark sont multipliés par 4 pour un pays qui est loin d’avoir les ressources du Danemark. Même si le Danemark avait une projection démographique similaire à celle du Niger, il serait 4 fois moins riche qu’il ne l’est aujourd’hui. La cause de cette situation est la déficience de notre système éducatif qu’il nous faut réparer. C’est pourquoi je mets l’accent sur notre système éducatif pour permettre d’avoir l’instruction et l’éducation nécessaire à même de leur procurer les moyens dont ils ont besoin pour faire face aux exigences de la vie.
Quand vous êtes totalement ignorants et non instruits, vous êtes totalement désarmés face à la vie d’aujourd’hui. Si vous avez les connaissances, vous avez les acquis qu’il faut pour y faire face.
Et pour que notre école soit efficiente, j’ai émis une idée que je suis en train de mettre en œuvre d’assurer une scolarité pour tous les jeunes ruraux en particulier pour les jeunes filles. Ce sont les internats dans les collèges ruraux et nous allons commencer par les filles. Un enfant de paysan n’a pas aujourd’hui beaucoup de chances de réussir à l’école. Un enfant dans les mêmes conditions que moi, de ma région à moi ne peut jamais avoir une chance de finir les études universitaires et d’acquérir les connaissances que moi j’ai eues il y a 40 ou 50 années de cela. Par conséquent, il faut donner la chance au monde rural en faisant en sorte que l’État s’engage plus à travers des internats dans les collèges ruraux. L’enfant qui quitte son village pour aller dans le village où il y a un collège manque le minimum de commodité pour poursuivre décemment les études.
Et l’expérience que nous vivons, c’est quand leur fille est orientée vers les collèges du village d’à côté, les parents ne consentent pas à la laisser partir parce qu’elle se retrouvera dans la rue. Ils la garde, elle décroche du système éducatif, on la donne en mariage et elle se met à se reproduire à l’âge de 15 ans. Les statistiques montrent que 52% des filles de moins de 15 ans dans la région de Zinder ont 1 enfant. C’est effrayant et la réponse, c’est de construire des collèges de sorte à garder les filles et leur assurer une scolarité longue qui les met à l’abri des mariages précoces et qui leur donne des chances d’être des personnes qui ont la capacité de vivre dans cette vie qui est devenue très dure.
Comment s’y pendre vu que l’opinion semble ne pas comprendre l’enjeu
Il faut être intelligent et ne pas adopter des démarches qui heurtent la mentalité des citoyens. Moi je ne parle pas de la réduction des naissances parce que cette question peut avoir une dimension éthique sur laquelle on peut être en porte à faux avec des prescriptions de la religion, Je suis en train d’insister sur la nécessité d’être plus responsable dans la façon d’épouser les femmes. Je dis qu’il y a une polygamie irresponsable. (…)Au Niger malheureusement, vous avez souvent des personnes qui sont sans emploi, sans revenu mais qui marient plusieurs femmes et qui font beaucoup d’enfants qu’ils n’ont pas la capacité d’assurer l’éducation. Ils les laissent dans la rue et ils sont des délinquants qui deviennent un problème pour la société. Lorsque vous dites cela à des personnes, elles ne sont pas forcément insensibles.
Pour cela, nous allons mettre en place l’Office national de la population qui fera le travail de sensibilisation en adéquation avec la mentalité de nos citoyens. Nous pouvons attendre les résultats de cet effort de sensibilisation, mais le grands résultat, nous l’aurons à travers la promotion de l’éducation où notre système éducatif sera en mesure de maintenir longtemps les enfants à l’école et sera en capacité de leur donner des connaissances qu’ils vont justement en faire des citoyens qui peuvent faire face aux difficultés de la vie.
Sur la décision du Président d’interdire aux ministres de prendre une épouse supplémentaire
Nous Nigériens, nous devons lutter contre la polygamie irresponsable. Aujourd’hui, vous verrez qu’il a beaucoup de femmes et d’enfants qui vont mendier jusqu’à Dakar, Accra que nous sommes en train de ramener et c’est l’effet de ce mariage en désordre qui n’est pas régulé. Nous interpellons nos citoyens pour qu’ils sachent de quoi il est question. Toux ceux qui se comportent de la sorte ne se doutent de rien, ils ont une mentalité très traditionnelle remontant aux siècles où il n’y avait pas tous les vaccins qui sauvent les enfants ; ou il n’y a pas une urbanité qui met les femmes très facilement à la disposition des hommes. Tant que nous vivions dans des villages dans le contexte des années où les programmes de vaccination universelle n’avaient pas cours, il n’y avait pas beaucoup de femmes dans les villages pour que beaucoup de personnes disposent de 4 femmes ; déjà il y avait une régulation par la nature et puis après si vous faites des enfants, il y a une bonne partie qui meure. Ce qui explique que nous avons eu une population restée relativement constante pendant des années.
Maintenant avec le programme élargi de vaccinations, on a sauvé les enfants de la mort. Donc ; nous avons une population qui croît et qui est restée dans une mentalité qui est la même. Il faut agir donc sur cette mentalité, c’est pourquoi j’ai dit aux ministres qu’il faut que nous donnions un bon exemple et que nous favorisions un débat sain, nous décidons qu’aucun d’entre nous ne prenne une femme supplémentaire. S’il y en a qui sont polygames, ils le resteront mais il faut que nous donnions l’exemple. Ca fait un choc et ca peut provoquer un débat et ce débat peut être quelque chose de positif. »
Pour information, Abarchi Habibou, professeur titulaire en chirurgie pédiatrique, est nommé vendredi dernier en conseil des ministres, Directeur général de l’Office Nigérien de la Population (ONP) récemment créé.
Propos transcris par Lady Samira